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La "survie" de la plus grande enseigne de librairie à Beyrouth

Librairie Antoine d'Hazmieh à Beyrouth - Photo Librairie Antoine

La "survie" de la plus grande enseigne de librairie à Beyrouth

Comment survivent les librairies libanaises ? Sami Naufal, directeur de la plus grande enseigne de librairie à Beyrouth, dresse un bilan et partage ses espoirs.

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Par Dahlia Girgis,
Créé le 11.09.2020 à 13h23

Dans un long article publié sur le site de l'AILF (Association internationale des libraires francophones), Anne-Lise Schmitt, délégue générale de l'association, raconte les conséquences de la déflagration du 4 août dans le port de Beyrouth sur la grande chaine de librairie Antoine.

"Un livre de 20 euros qui se vendait à 40000 livres avant la dévaluation est vendu à 200000 livres libanaises.", raconte Sami Naufal, directeur de la chaîne des Librairies Antoine. L'institution de la culture francophone au Moyen-Orient possède 14 boutiques à Beyrouth et emploie 200 employés. En raison des difficultés que connaît la région, l’enseigne accuse une perte de 50% de son chiffre d'affaire. La crise économique et politique, puis le Covid-19 ont accéléré la destruction du pays. La capitale est particulièrement endommagée après l'explosion de 2750 tonnes de nitrate d'ammonium, le 4 août au port de Beyrouth. Au moins 188 personnes ont été tuées par l'accident et plusieurs quartiers de la capitale ont été dévastés.

Sami Naufal fait le constat des dégâts : "Notre librairie phare de 900 m², proche du port, située dans le quartier Beirut Souks [centre commercial haut de gamme dans dans la prtie rénovée du centre-ville] et déployée sur 3 étages a été entièrement détruite. Les autres librairies Antoine sont partiellement touchées : des devantures ont sauté en éclat, des livres ont été projetés par terre et abimés, des rayonnages se sont écroulés, bref les dégâts sont nombreux." Pour l’enseigne historique créée en 1933 par Antoine Naufal, l'oncle de Sami, "il ne s'agit plus de se demander comment gagner de l’argent mais de rester en vie pour ne pas faire faillite et rester debout".

Un lobbying pour soutenir la relance

"Cette situation de crise encourage l’usage de livres usagés, la photocopie, les livres scannés. En effet, il devient difficile pour une famille de plusieurs enfants de la classe moyenne de dépenser des milliers de livres libanaises pour acheter des livres scolaires", constate Sami Naufal. En conséquence, l'enseigne a dû réadapter sa stratégie économique. "Il a fallu réaffecter les employés de la librairie détruite à des services administratifs, de dépôt pour des préparations de commandes et dans d’autres points de vente. Quelques employés (les derniers arrivés) ont dû être licenciés", détaille le directeur de l'enseigne.

Le gérant de l'enseigne des Librairies Antoine se réjouit de "l’obtention par le syndicat des importateurs libanais d’un moratoire des dettes sur trois ans et d’un abandon de créance de 30% depuis fin février, début mars". Pour régler les 70% restant, un lobbying local est en cours pour éviter de payer la différence entre la valeur achetée et la valeur vendue du fait de la dévaluation de la monnaie. Aujourd'hui, la livre libanaise s'échange sur le marché noir à plus de 7000 livres pour 1 dollar, alors que le taux officiel est toujours indexé à 1500 livres pour un dollar. Sami Naufal a rencontré dans ce sens le ministre de l’Economie pour que l’Etat puisse payer la différence. Cela peut se traduire par des "prix subventionnés par l’Etat contre la fourniture de factures". Pour l'instant, rien n'a encore été conclu.

Une aide extérieure à nuancer

"Le 1er septembre 2020 Emmanuel Macron faisait une visite présidentielle et offrait un ensemble d’ouvrages scolaires de terminal. La démarche est généreuse mais c’est dommage que les libraires locaux n’aient pas été associés à ce projet... C’est plus d'un million d’euros qui passe entre les mailles du filet", regrette Naufal. Le gouvernement français a mené cette opération de soutien avec l'association Les Éditeurs d'Éducation. Un don de 20000 manuels scolaires ont été envoyés pour les élèves des lycées français au Liban. Ils sont arrivés à l'ambassade de France au Liban qui sera chargée dans les prochains jours de la distribution.

Mais le marché de la rentrée scolaire représente pour les libraires 50% de leur chiffre scolaire rappelle le P-DG des librairies Antoine. Par ailleurs, la rentrée scolaire des élèves est incertaine. En tout, 85000 élèves libanais ne pourront probablement pas reprendre le chemin de l'école en septembre car de nombreux établissements restent trop endommagés.

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