Le retour de la TVA à 5,5 % sur le livre ne fait plus aucun doute... si la gauche remporte les élections législatives de juin. Affirmé par François Hollande pendant sa campagne électorale, l'engagement a été répété par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication du nouveau gouvernement, lors d'une de ses toutes premières interventions publiques, le 21 mai sur France Inter. Mais la décision doit encore être approuvée par un vote du Parlement. Si le Sénat, majoritaire à gauche, est acquis à la cause, l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot, reste à élire.
Ce retour à 5,5 % pourrait passer par un projet de loi de finances rectificative dont l'examen devrait être programmé en juillet prochain. La loi ajouterait le livre, ainsi que les services culturels (spectacles, cinéma, concerts, etc.), à la liste des produits soumis au taux de 5,5 %. Si l'initiative est prise par le gouvernement, celui-ci n'aura pas l'obligation de prévoir une hausse d'impôt sur d'autres produits pour combler cette réduction des recettes de l'Etat, évaluée à une soixantaine de millions d'euros. En revanche si la modification vient d'une initiative parlementaire, elle devrait être assortie d'une compensation sur un autre impôt. Dans la proposition qu'ils ont déposée dès le 9 mai, les sénateurs communistes ont classiquement ajouté un relèvement de la taxe sur les alcools et les tabacs.
HAUSSES DES MARGES OU MASOCHISME
Il serait illusoire de croire que, porté par un élan fougueux, le livre passe au taux "super réduit" (aujourd'hui de 2,1 %), même si le Syndicat de la librairie française a pris soin de ne pas exclure cette formulation dans la première de ses douze propositions adressées aux candidats. Il s'agit surtout de s'assurer que le livre bénéficiera du taux le plus bas possible dans le cadre fiscal actuel ou à venir, car l'application du taux super réduit serait contraire aux règles de l'Union européenne, rappelle Guillaume Husson, secrétaire général du SLF.
Sur le plan technique, le retour à 5,5 % pourra être presque aussi complexe à gérer que la hausse à 7 %, si les éditeurs décident aussi d'un rétablissement complet des anciens prix et réduisent ceux des nouveautés publiées depuis le 1er avril. Pour les gestionnaires de bases de données (Electre, Dilicom...), il faudrait à nouveau modifier plusieurs centaines de milliers de notices, à intégrer par les SSII dans les systèmes de gestion des librairies, où l'on devra décoller les étiquettes sur les livres du fonds, et réétiqueter les nouveaux titres, ce qui serait un travail proprement masochiste. Alors que changer simplement le taux dans les systèmes de gestion sans toucher au prix final rapporterait 0,5 % de résultat aux libraires, en fonction d'une marge moyenne de 33 %, a calculé le SLF. Bien consciente de la situation, Aurélie Filippetti a d'ailleurs estimé que le retour à l'ancien taux ne doit pas entraîner de frais supplémentaires pour les libraires. Il faut au contraire qu'il "puisse leur permettre de retrouver précisément les marges qu'ils ont perdues au cours des dernières années".

