Disparition

Alors qu’était projetée au Festival de Cannes l’adaptation par Jonathan Glazer de La Zone d’intérêt, on apprenait la mort de son auteur, l’écrivain anglais Martin Amis. Dans ce roman paru outre-Manche en 2014, il imaginait la passion amoureuse d’un officier nazi pour la femme du commandant du camp d’Auschwitz (défini comme la fameuse « zone d’intérêt » par les cartes des nazis). Un livre à l’humour mordant, voire cynique, qui avait fait qualifier le style de son auteur de « nouveau désagréable » par le New York Times. Alors que le Guardian affirmait que son écriture était tellement reconnaissable qu’on savait qu’un texte était de lui avant même le premier point. Romancier prolifique, Martin Amis avait été nommé deux fois pour le Booker Prize (en 1991 puis en 2003) sans l’obtenir, mais était considéré comme un des écrivains britanniques les plus importants des années 90 et 2000.

Ce n’est pas la première fois qu’il s’attaquait à la grande histoire de manière décalée, ayant déjà évoqué les camps de la mort dans le roman postmoderne La Flèche du temps (1991), mais également le stalinisme dans Koba la Terreur (2002), et les attentats du 11 septembre 2001 dans Le Deuxième Avion (2010), recueil d’articles et d’essais pour lequel on l'a accusé d’islamophobie. Accusation qu’il rejetait avec détermination.

Révélé à 24 ans en 1973 par Le Dossier Rachel, un roman d’amour enlevé et paradoxal écrit à la première personne, il était le fils de Sir Kingsley Amis, un écrivain issue de la génération des « angry young men », équivalent britannique des Hussards français, anobli par la reine. Martin Amis était revenu sur sa relation compliquée avec son père, dont il ne partageait ni les goûts esthétiques ni les idées politiques très droitières, dans Expérience (2000), « portrait incroyablement intime d'un écrivain » selon ses propres mots.

Sa belle-mère, Elizabeth Jane Howard, est l'autrice de La Saga des Cazalet, qui connaît aujourd'hui un joli succès posthume en France. C'est elle qui lui fait découvrir Jane Austen à l'adolescence, alors qu'il ne lisait que des BD.

« Pour mes premiers livres, j’ai été encouragé. Cela s’est gâté quand on a vu que je persistais, que je n’avais pas fait ça pour me mesurer à mon père, mais que c’était ma vie. Alors, ça a commencé, comme si j’étais favorisé par ma naissance. Cela vaut peut-être pour le prince Charles, mais pas pour un écrivain. Soit vous savez faire, soit vous ne savez pas. Cela a peu à voir avec le père », affirmait-il au Monde en 2015.

Après des études à Oxford au tournant des années 60, il avait ensuite écrit pour le Times Literary Supplement, puis pour le New Statesman, où il s’était lié d’amitié avec le journaliste médiatique Christopher Hitchens. Il était également proche de l’écrivain Julian Barnes, au point que beaucoup ont voulu voir dans L’Information (1995) de Martin Amis, un de ses plus grands succès, une évocation de leur amitié très compétitive. Ce roman mettait fin à ce qu’on a appelé sa trilogie londonienne, commencée avec Money, money (1984), dans lequel il dépeignait l’avidité des années Thatcher, et London Fields (1989), où il mettait en scène un trio amoureux mal assorti sur fond, déjà, de changement climatique.

Depuis plusieurs années, il vivait aux États-Unis ; c’est là qu’il s’est éteint à l’âge de 73 ans dans sa résidence de Floride. Sa femme, l'écrivaine et journaliste d’origine urugayenne Isabel Fonseca, avec laquelle il a deux filles, a précisé au Guardian qu’il souffrait d’un cancer de l’œsophage.

La plupart de ses romans sont publiés en France chez Gallimard et au Royaume-Uni chez Vintage Books. Sur Twitter, l'éditeur indiquait : « Il laisse un héritage impressionnant et une trace indélébile sur le paysage culturel britannique, et il nous manquera énormément. »

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