Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture, députée en Moselle, a suscité la surprise, et beaucoup de critiques, en proposant dans le cadre de la loi Macron un amendement concernant les bibliothèques. Voté le 14 février, cet amendement oblige les conseils municipaux à inclure la question des bibliothèques dans les débats concernant l’ouverture des commerces les dimanches. "Au cours du mois difficile qu’on a traversé, on a insisté sur l’importance qu’il y avait à donner accès aux jeunes à la culture, à l’éducation aux livres. Les médiathèques sont l’un des lieux de transmission du savoir et d’émancipation individuelle, a plaidé l’ancienne ministre. C’est un sujet d’intérêt général. Cela n’entrave nullement la libre administration des collectivités territoriales." Aurélie Filippetti, qui avait décrété 2014 comme l’année des bibliothèques lors de son séjour rue de Valois, a toujours montré un vif intérêt pour la lecture publique. Sa récente initiative laisse cependant nombre d’interlocuteurs dubitatifs. "C’est toujours une bonne chose de lancer ce type de débat, souligne Anne Verneuil, présidente de l’ABF (Association des bibliothécaires de France). Cela permet de rappeler que les gens peuvent avoir des activités autres que commerciales le dimanche. Par ailleurs, les attentats contre Charlie Hebdo ont mis en évidence qu’il existait un réel déficit d’outils d’éducation à la citoyenneté en France. On a immédiatement pensé au rôle que pouvaient jouer les bibliothèques."
L’amendement pose de nombreuses questions. La principale concerne le paradoxe que constitue le fait d’inscrire dans une loi nationale un domaine qui relève de la compétence des collectivités locales : sa portée risque d’être purement symbolique, puisque les élus auront obligation de mettre à l’ordre du jour l’ouverture des bibliothèques le dimanche uniquement lors de la première concertation sur les "dimanches du maire". "Cet amendement est une bonne chose car cela va permettre d’inscrire la question de manière officielle, explique Anne Verneuil. Cependant, cela risque de ne pas changer grand-chose. Les élus motivés ont déjà mené cette réflexion et pris des initiatives."
Du côté des élus, notamment ceux de l’opposition, la critique est plus incisive. Au Havre, la discussion autour de l’ouverture le dimanche de la future médiathèque dans "le petit Volcan" de Niemeyer, entièrement réhabilitée, a conduit depuis l’automne dernier à plusieurs mouvements de personnels. "Les agents ne contestent pas le principe d’ouverture du dimanche mais il y a une discussion sur les modalités de sa mise en œuvre", précise Edouard Philippe, maire UMP du Havre, qui a la dent dure concernant l’amendement : "L’ouverture du dimanche était un engagement de ma campagne aux élections de l’année dernière. J’ai été réélu, j’ai donc mandat pour l’appliquer. Cet amendement est incompréhensible. Sa portée sera nulle."
A Metz, ville dans laquelle Aurélie Filippetti est conseillère municipale, la bibliothèque, qui n’est pas ouverte le dimanche, a vu son budget d’investissement divisé par deux cette année. Une situation dont l’ancienne ministre rend responsable le gouvernement. V. H.
