Peut-il y avoir une romance à la française ?

"Pour le numérique, le temps passé sur le texte est le même que pour un auteur papier." Claire Deslandes, Bragelonne - Photo Olivier Dion

Peut-il y avoir une romance à la française ?

Si la romance reste la chasse gardée des Anglo-Saxons, le numérique a ouvert de nouvelles portes aux auteures françaises.

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Par Anne-Laure Walter,
avec Créé le 03.02.2017 à 00h33

Anna Todd, E. L. James, Sylvia Day… Les Anglo-Saxonnes dominent sans partage les meilleures ventes dans l’Hexagone, et aucune auteure française ne semble pouvoir rivaliser avec les mastodontes du secteur. Quand bien même elles y parviendraient, ce ne serait pas forcément facile à repérer : Emily Blaine (Harlequin), qui pointe à la 41e place des meilleures ventes du rayon et dont les histoires se déroulent toutes outre-Atlantique, est, comme son pseudonyme ne l’indique pas, une auteure française. "C’est elle qui l’a choisi", assure sa directrice éditoriale, Karine Lanini, qui n’aurait pas vu d’objection à ce que celui-ci ait une résonance plus hexagonale. Il arrive souvent que les Françaises se camouflent derrière une signature très anglo-saxonne, de leur propre fait ou à la demande de leur éditeur. "Je trouve ça agaçant quand c’est l’éditeur qui le demande", confie l’auteure Harlequin Angéla Morelli, qui publie aussi des récits érotiques chez Milady sous le nom d’Emma Foster. "On te dit que ç’est plus vendeur quand on te lance, mais je pense que c’est de moins en moins vrai", estime-t-elle.

Romance au numérique

Les Françaises sont en tout cas de plus en plus nombreuses sur ce secteur. Cette percée résulte en partie du développement de l’édition numérique, considérée par les éditeurs comme une sorte de laboratoire, qui limite les coûts et donc les risques. Quitte à passer au format papier quand ça marche. Plusieurs auteures françaises de romance ont suivi ce chemin, que ce soit Emily Blaine chez Harlequin, lauréate du concours de la plateforme numérique HQN lancée en 2013, ou encore Pauline Libersart, éditée chez Hachette en primo-numérique ("Black Moon Romance") avant de passer en papier chez Marabout. "Cela réduit les coûts d’impression, mais le temps passé sur le texte est le même que pour un auteur papier", rappelle Claire Deslandes, directrice de la publication numérique chez Bragelonne-Milady. Chez Hugo Roman, c’est la plateforme d’écriture communautaire Fyctia, créée en 2015 sur le modèle de Wattpad, qui doit jouer ce rôle. Son label numérique, La Condamine, a publié cette année plusieurs romans issus de ce vivier, dont la moitié avec un titre anglo-saxon. My escort love a été publié chez Hugo Roman en format papier en octobre dernier.

Sans forcément attendre une héroïne portant une baguette sous le bras et flashant sur un éphèbe coiffé d’un béret, on constate que sous les plumes françaises, les personnages voguent encore très souvent entre grandes métropoles anglo-saxonnes et paysages sauvages de l’Ouest américain. "Le problème, c’est que la romance que veulent les fans est très codée", explique Antoinette Rouverand, directrice marketing chez Lattès. L’éditeur en France de Fifty shades a pourtant tenté le coup cette année en publiant en mars 2016, sous son label "& moi", Si on vous l’avait dit de la Française Laura Trompette. Avec cette histoire qui se déroule entre Londres et la Corrèze, l’éditeur pensait que le sentiment d’identification jouerait à plein. Mais l’ouvrage n’a pas pris comme prévu. "On voulait jouer à fond la carte française. En fait, la lectrice se fiche que l’auteure soit française, c’est l’histoire qui intéresse", juge-t-elle avec le recul. "Le problème, ajoute-t-elle, c’est que le dépaysement n’est alors pas au rendez-vous."

Chez J’ai lu, où la recherche de nouvelles auteures françaises est aussi un axe de travail, on estime que les Françaises sont mieux indiquées pour tout ce qui relève du créneau "feel-good book".

"Le romantisme à la française, ce n’est pas exactement le même que le romantisme anglo-saxon, on a une façon d’être, d’aborder la vie, différente", estime de son côté Hugues de Saint Vincent, directeur général de Hugo & Cie, qui ajoute : "Les auteures françaises qui émergent sont les enfants des auteurs déjà publiés, la romance étant un style qu’il faut s’approprier." Et la France a sa carte à jouer à l’étranger, où l’éditeur explique avoir vendu les droits de plusieurs de ses auteurs. Même signal chez Milady : Le temps volé de Chloé Duval, une histoire qui se déroule en Bretagne publiée en mars 2015, va être traduite dans quatre langues et vendue notamment aux Etats-Unis.

03.02 2017

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