Édito par Christine Ferrand, rédactrice en chef

Photo PHOTO OLIVIER DION

Merci Jean-François Copé. En partant en guerre, dimanche soir sur le plateau du "Grand jury" (RTL-LCI-Le Figaro), contre Tous à poil !, le petit livre de Claire Franek et Marc Daniau paru au Rouergue, le président du l’UMP a mis au jour les pressions et les violences verbales que subissent depuis plusieurs semaines via Internet éditeurs, libraires, bibliothécaires et auteurs pour la jeunesse, comme le raconte dans ce numéro l’éditrice Sylvie Gracia (p. 11). Se croyant isolé, hésitant à faire de la publicité pour des illuminés, chacun subissait en silence cette hargne dans un climat de plus en plus étouffant. L’attaque a désormais pignon sur rue grâce au secrétaire général de l’UMP et à l’association Le Printemps français, qui réclame que "certains livres" soient "mis à part", entendez retirés des bibliothèques et des librairies, c’est-à-dire censurés.

J’ai eu la chance d’apprendre à lire avec Froux le lièvre et Apoutsiak le petit flocon de neige, deux albums pour la jeunesse du père Castor, car mon institutrice, en bonne disciple de Célestin Freinet, pensait que l’immersion dans un "vrai" livre valait toutes les méthodes de lecture.

La même m’a offert mes tout premiers albums de Caroline, Pouf et Noiraud. Elle recevrait certainement aujourd’hui les foudres de Jean-François Copé et de ses séides : une petite fille qui porte une salopette rêve de conduire un avion ! La "théorie du genre" n’est pas loin. Grâce à cette institutrice éclairée, pourtant, le livre a toujours fait intimement partie de ma vie. Je souhaite à tous les enfants d’avoir cette chance-là.

Il est triste de voir en 2014 la créativité et la richesse de la littérature pour la jeunesse stigmatisées - en l’occurrence à travers l’un de ses éditeurs les plus créatifs - et d’être obligé d’avoir à répéter ce qui, il y a peu, nous semblait être un lieu commun : l’accès à tous les livres, quels qu’ils soient, est la condition même de la démocratie.

Le livre partage avec les femmes le triste destin d’exutoire aux revendications les plus rances. C’est sa gloire. A l’heure où sa place dans notre société tend à reculer, ses contempteurs le replacent aux premières loges.

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