Coronavirus

Londres: à quoi ressemble une foire virtuelle ?

Sophie Langlais - Photo Isabel Contreras

Londres: à quoi ressemble une foire virtuelle ?

Plusieurs éditeurs, agents et responsables de droits, dont nombreux Français, ont bravé les craintes de contagion du coronavirus et se sont rendus en début de semaine à Londres, malgré l’annulation de la foire du livre. Reportage.

Par Isabel Contreras, Londres
Créé le 17.03.2020 à 15h08

Des contrôles de sécurité vides, un espace d’attente désertique, un train silencieux… Drôle d’ambiance à Gare du Nord, à Paris, où l’Eurostar a transporté en début de semaine les quelques professionnels français de l’édition qui ont décidé de se rendre à Londres, malgré l’annulation de la foire du livre. Initialement prévue du 10 au 12 mars, elle a subi le même sort que les autres manifestations culturelles qui ont été suspendues en raison du COVID-19, ce coronavirus qui désormais a atteint le stade de pandémie mondiale selon l'OMS.

Indifférents à l'épidémie, des éditeurs, des responsables de droits et des agents ont maintenu leur déplacement et réorganisé leur emploi du temps sur place. « J’ai regroupé les rendez-vous par quartier» explique l’agente spécialisée dans la jeunesse, Stéphanie Vernet. «Les éditeurs et les agents britanniques ont accepté de me voir dans des cafés ou dans leurs bureaux», raconte-t-elle posée dans un Starbucks, flanquée d'une valise de 13kg remplie de livres. Elle avait initialement calé une trentaine de rendez-vous à l’Olympia Hall, où devait se tenir la foire. Elle n’en a maintenu qu’une dizaine. « Ces moments ont pourtant été agréables car plus longs et calmes », relève-t-elle.

Au coude à coude

Même constat pour Laury-Anne Frut, directrice éditoriale du nouveau label de littérature de Geste éditions, Faubourg Marigny: « les éditeurs britanniques nous remercient du déplacement en nous faisant découvrir des lieux et en nous invitant à déjeuner ou à dîner. Les rendez-vous ne se limitent plus à trente minutes. Nous renforçons les liens». Tous en évitant les rapprochements. Sophie Langlais, responsable des droits aux Arènes, ne serre plus la main de ses interlocuteurs mais rapproche son coude pour dire bonjour. « C’est le elbow shake !», lance-t-elle tout sourire. Si elle a aussi échangé avec des Britanniques lors de son séjour londonien, elle s'est réunie avec d’autres confrères étrangers, comme son homologue Stella Rieck de la maison littéraire néerlandaise, Cossee. «J'ai demandé aux Britanniques s'ils rencontraient d'autres confrères pour les contacter à mon tour», explique-t-elle.

L'ébullition absente

Entre un Starbucks, la cafétéria cosy de la librairie Foyles ou celle du musée Charles Dickens, les rendez-vous se tiennent partout. « Même dans nos bureaux, ajoute Katharina Bieleberg, éditrice associée chez MacLehose press, maison d’édition de Quercus, filiale d’Hachette UK. Nous évitons les contacts physiques et respectons les consignes de précaution mais nos portes restent ouvertes aux visiteurs». L’éditeur a réuni dans un pub situé à quelques minutes du British Museum l’agent germano-mexicain Michael Gaeb, l’agente polonaise Beata Stasinska ainsi que l’éditeur et écrivain néerlandais de Balans, Jan Geurt Gaarlandt aka Otto de Kat. Ce déjeuner informel s’apparentait peu à un rendez-vous professionnel. « Evidemment que nous sommes heureux de retrouver nos amis éditeurs étrangers mais on regrette l’ébullition provoquée par la foire où l’on apprend des informations intéressantes dans un couloir, entre deux rendez-vous ou en sortant des toilettes ! ». « Ce virus nous manque, lui! » s’exclame Jan Geurt Gaarland.

Des deals en ligne

Certains rendez-vous peuvent toutefois s’avérer fructueux, défend Stéphanie Vernet, qui espère au moins signer un contrat à son retour de Londres. « Les deals ont lieu online », rappelle Katharina Loix van Hooff, conseillère littéraire indépendante. Par courriel, les enchères s’ensuivent ainsi que les échanges de catalogues. Sur Skype, les rendez-vous sont maintenus, malgré le décalage horaires entre pays.  Sur Facebook, quelques éditeurs ont essayé de rassembler leur rendez-vous dans ce qu’ils ont dénommé « la foire virtuelle » à l’hôtel Hilton Olympia. Enfin, sur Twitter, les responsables des droits des filiales d’Hachette UK, Quercus, Hodder & Stougthton, Headline et John Murray ont eux lancé le hashtag, #LBFtoyou (« La foire du livre de Londres vient à toi »). Ils envoient une newsletter quotidienne où ils présentent leurs auteurs, annoncent des prix, organisent "une fête virtuelle" et même un concours. 
 

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