Journal du confinement

Anne Helman : “j’ai âprement besoin de trésorerie”

Anne Helman - Photo DR.

Anne Helman : “j’ai âprement besoin de trésorerie”

Vingt et unième épisode du Journal du confinement de Livres Hebdo, rédigé à tour de rôle par différents professionnels du livre. Aujourd'hui Anne Helman, au Puy-en-Velay en Haute-Loire (librairie Chat Perché).

Par Michel Puche
Créé le 09.04.2020 à 20h00

« Je suis Anne Helman, j’ai fondé et je tiens depuis plus de vingt ans la librairie Sorcière (1) Chat Perché, principalement destinée à la jeunesse, au Puy-en-Velay. Je suis confinée dans mon appartement en vieille ville, à cinq minutes à pied de la librairie. Je suis seule la moitié du temps, et avec mon plus jeune fils de quatorze ans, l’autre moitié.

Je tente depuis trois semaines de ne pas trop m’inquiéter, étant d’un naturel plutôt anxieux. Je tente d’avancer, suis à l’affut des dispositifs de l'Etat et de la chaîne du livre, et reste "en étroit contact" depuis le 15 mars avec mon experte-comptable et mon banquier. J’ai demandé un prêt bancaire garanti par la BPI, l’affaire suit son cours, j’attends. Je vais monter le dossier Adelc, car je crois pouvoir y prétendre, et guette de pied ferme la mise en ligne sur le portail du CNL de leur dispositif.

« Le télétravail n’est pas mon truc »

La première semaine de fermeture avec les dernières livraisons (librairie fermée, moi seule travaillant) m’a permis de solder de grosses commandes des bibliothèques, qui toutes m’ont autorisée à facturer et à déposer en paiement ces factures sans avoir réceptionné les cartons. Merci à elles ! La librairie n’ayant pas fait une très bonne fin d’année en 2019… j’ai âprement besoin de trésorerie ! Quant aux ventes aux particuliers, j’ai tenté de maintenir une activité les dix premiers jours, via la Poste et moi livrant à pied, arpentant les collines du Puy, puis j'ai renoncé au vu du climat anxiogène à la Poste, et par respect pour nous tous, abondant dans le sens du SLF. Bien sûr, je maintiens le lien avec mes clients par le biais des mails et des réseaux sociaux, où naturellement nous sommes tous plus actifs qu’avant.

Au début, je me suis sentie très seule, sans les clients, sans mon collègue, habituée à un métier de contact depuis plus d’un quart de siècle, c’était dur ! Le télétravail n’est pas mon truc, je suis une active qui aime être debout, réceptionner, pointer, déballer, conseiller bien sûr, et j’aime la diversité des tâches de mon métier. Le télétravail, certes, j’avais l’habitude, mais, le matin tôt, le soir, et le dimanche !

A présent, je passe à la librairie très régulièrement, je ne peux pas m’en empêcher, et puis j’ai toujours quelque chose à y faire. Il me faut aussi veiller à l’exposition des originaux de Christian Voltz qui se trouvaient dans les murs de Chat Perché au moment du confinement, une expo qui est la propriété de l’ALSJ (1), et doit tourner de librairie Sorcière en librairie Sorcière. Je veux être sûre que tout va bien dans les locaux, et pour le stock aussi ! Mes 8500 livres semblent me parler lorsque je passe la porte… les mains des clients ont arrêté de les saisir le 14 mars au soir, et les commentaires des enfants à leur sujet ont cessé… pour le moment.

« J’ai peur de l’avenir »

Heureusement, il y a le lien entre consœurs et confrères grâce aux associations : l’ALSJ dont je suis au comité d’administration, on s’y tient les coudes, et aussi l’Association des libraires en Auvergne-Rhône-Alpes, dont le fil d’info journalier m’a permis de faire le tri dans la sur-information dont ma boite mail est témoin ! Un grand merci aussi au SLF pour leur travail formidable !

J’ai peur de l’avenir, et cette peur, m’empêche de lire aussi longtemps que je le souhaiterais en ce moment, à mon grand désarroi, mon attention est malheureusement fragmentée, comme pour nous tous.

Mon plus grand regret : Pef devait venir à la librairie le 13 mars, mais je sais que ce n’est que partie remise !

Mon plus grand doute : le volume des services de nouveautés lors de la reprise et à moyen terme aussi, avec une cadence et un nombre, ainsi que des contenus de parutions raisonnés et pensés ! ».
 
Le Puy-en-Velay, avril 2020               

(1) L'expression “Librairies Sorcières” désigne celles appartenant à l’Association des librairies spécialisées jeunesse (ALSJ).

Et vous ? Racontez-nous comment vous vous adaptez, les difficultés que vous rencontrez et les solutions que vous inventez en écrivant à: confinement@livreshebdo.fr                    

 
 

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